Des droits du travail des travailleurs sans papiers

Situation 1: le travailleur décide d’entreprendre lui-même des démarches

Vu les nombreux dilemmes et la faible marge de manœuvre dont dispose un travailleur sans papiers, son meilleur point de départ, ce qui doit aussi être entrepris, est de décider lui-même des démarches qui seront entreprises.

Il est possible que vous soyez confronté à des situations qui vous semblent inacceptables. Mais le travailleur n’a peut-être aucune alternative ou a d’autres raisons de laisser cette situation telle qu’elle est (voir étape 1 comprendre). Dans ce cas, une intervention peut finalement empirer la situation du travailleur. Des éléments vous sont peut-être cachés, lesquels motivent fortement la décision du travailleur.

Il est en outre possible qu’une demarche que vous entreprenez pour un travailleur ait des conséquences pour les collègues qui ne demandent pas votre aide. Nous clarifions par un exemple:

Lisa et Jose travaillaient pour un sous-traitant d’une grande entreprise de nettoyage. Après un certain temps, ce sous-traitant ne payait systématiquement plus les salaires des travailleurs et remplaçait les travailleurs par des nouveaux. Lisa et Jose retourneraient dans leur pays d’origine, le Brésil, et voulaient entreprendre quelque chose contre leur employeur véreux. Nous avons décidé de discuter avec la grande entreprise de nettoyage qui était client de leur employeur. L’entreprise de nettoyage pouvait probablement résilier le contrat avec ce sous-traitant et les personnes qui travaillaient encore pour lui perdraient leur travail. Nous avons expliqué clairement à Lisa et Jose les conséquences possibles. Mais Lisa et Jose ont décidé que le plus important était d’arrêter leur employeur et que nous prenions néanmoins contact avec la grande entreprise de nettoyage. Nous avons convenu avec les syndicats que les travailleurs éventuellement dupés devaient prendre encore contact avec eux par la suite.

Dans ce cas, les travailleurs ont dès lors décidé d’entreprendre quelque chose, en dépit des conséquences éventuelles. Toutefois, il est tout aussi possible qu’ils décident de ne rien faire pour ne pas nuire à leurs collègues. Si vous intervenez toutefois dans pareil cas, par exemple en tuyautant l’inspection du travail, le risque est grand de compromettre sérieusement la confiance entre vous et les travailleurs et de ne plus jamais avoir la possibilité de mener un entretien ultérieur avec eux sur le travail et leurs connaissances. Si vous laissez la décision aux travailleurs, ils peuvent encore décider tôt ou tard d’entreprendre quelque chose et revenir vers vous.

Que pouvez-vous faire?

Décidez en concertation avec le travailleur de l’étape suivante:

  • Médiation avec l’employeur: Il s’agit de l’étape la plus recommandée quand il est question de petits montants de vol de salaire (arriérés de salaire) ou quand le travailleur veut surtout résoudre le problème rapidement. Parfois, le travailleur a aussi besoin de cette étape pour pouvoir se décider à entreprendre d’autres démarches plus officielles. Un refus clair de l’employeur de régler l’affaire à l’amiable constitue parfois pour le travailleur la goutte de trop qui fait déborder le vase. Il peut par conséquent aussi être utile dans des situations très graves et dramatiques d’entreprendre d’abord une tentative de médiation. Il est toujours sensé de téléphoner à l’employeur en la présence du travailleur, pour que le travailleur puisse écouter.
  • Si vous décidez de rencontrer l’employeur dans le cadre d’une médiation, tenez compte de quelques aspects liés à la sécurité. Il s’agit en effet d’une situation conflictuelle. Il peut s’agir tant pour les travailleurs que pour les employeurs d’une situation tendue et des formes de comportement agressif peuvent surgir. Rencontrez dès lors les employeurs de préférence dans des lieux où il y a d’autres personnes présentes. Il peut être préférable de rencontrer les travailleurs et les employeurs séparément afin d’éviter les tensions.
  • Fixez-vous des principes d’action clairs sur la manière de gérer ces situations et sur ce que vous devez faire et ne pas faire. Vous devez clairement indiquer que vous ne vous impliquez pas dans la relation de travail clandestin ou le conflit. Vous pouvez faire signer une déclaration à cet égard au travailleur avant d’entreprendre les démarches. Faites signer des documents lors de chaque remise d’argent effectuée par votre intermédiaire, lesquels indiquent le but de la transaction et le bénéficiaire de l’argent. Tant que cela concerne un salaire pour un travail presté et que vous n’êtes en aucune manière impliqué dans l’organisation de l’emploi, il s’agit d’argent auquel le travailleur a droit et vous restez dans le cadre légal.
  • Dans le cas où il est question de sommes très importantes de vol de salaire, de comportement agressif sur le lieu de travail ou de solides preuves de travail au noir, la décision peut être prise de s’adresser directement à l’inspection ou au juge. Parfois, les travailleurs veulent surtout responsabiliser l’employeur et le plus important pour eux est de recevoir rapidement leur argent. Dans ce cas aussi, une procédure officielle peut être préférée. Vérifiez, dans les cas d’abus très graves, s’il peut être question de traite des êtres humains.
  • Une procedure officielle doit être suivie jusqu’à la prise d’une décision. En tant qu’assistant social, vous pouvez aider le travailleur à obtenir un accompagnement professionnel, via p. ex. un avocat. Vous pouvez éventuellement continuer à surveiller vous-même le dossier du coin de l’œil. Vous pouvez également jouer un rôle important dans la préparation complémentaire d’un bon dossier.
  • Pour encore mieux vous informer dans votre tâche de médiation et le soutien éventuel des procédures officielles, l’OR.C.A. a élaboré un manuel juridique.

    Yura faisait le ménage chez une dame belge. Elle y venait deux fois par semaine depuis 1992. Elle a été licenciée après plus de 10 ans de service. Elle s’est adressée à l’OR.C.A. et a demandé quelles étaient les possibilités d’obtenir une indemnité de licenciement et le pécule de vacances qu’elle recevait toujours bien que partiellement. Lorsque l’OR.C.A. a contacté l’employeur, celle-ci était étonnée que les personnes travaillant au noir avaient aussi des droits. Après concertation et intervention de l’avocat de l’employeur, elle a été d’accord de payer une partie de l’indemnité de licenciement et du pécule de vacances impayé.

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    Prochain chapitre:
    Situation 2: vous prenez vous-même l’initiative